Cours d’économie Franche

Publié le par lieutenantrahmani

UNIVERSITÉ de l’IGNORANCE

Cours d’économie

15 septembre 2011

N°2

 

 

LA MISSION DE LA FRANCE  (III)

Trois Monde n° 70 15 JAN-FÉV. 1997

 

Qui est Jean Barral?

 

Un de ses grands admirateurs, écrivain et philosophe allemand dont nous aurions aimé pouvoir publier le nom, a dit de lui: « BARRAL est l'un des hommes les plus considérable de l'Europe. Ses idées constructives deviendront un jour le bien de tout européen cultivé. »

 

Les lecteurs jugeront si l'œuvre que nous leurs présentons justifie cet enthousiasme.

 

Mais voici l'homme: Comme un très grand nombre des prêtres et des catholiques de sa génération qui avaient cru répondre à l'appel du Christ en sortant de la sacristie, pour se porter au devant des travailleurs et des incroyants, il avait rencontré dés le début de sa carrière, comme vicaire dans une importante paroisse de Nice, l'incompréhension hostile d'un prélat qui a laissé le souvenir d'une haute intelligence, d'un esprit libéral et qui l'était en effet. Barral avait commis l'imprudence,- du moins lui reprochait-on, - d'intervenir dans un conflit ouvrier, au cours duquel le sang avait coulé. La sanction ne fit pas attendre. Il fut expédié par les voies les plus rapides loin de Nice, dans un de ces tristes villages de la montagne, dénué de toute ressource, privé de communications et quasi désertiques.

 

Au lieu de bouder, Barral utilisa les long loisirs que sa solitude lui laissait pour se remettre au travail. Il était attiré par l'étude des questions sociales. Son expérience a Nice lui en avait démontré la gravité et l'urgence. Il s'y plongea.



La guerre de 1914 le trouve dans la capitale allemande. Il passe quatre années dans un camp de concentration, à Holzminden, en Westphalie. Durant sa longue captivité, il ne cesse de travailler et de se rendre utile. Il donne des conférences sur l'histoire de l'antiquité: il collabore régulièrement aux cours de l'université populaire fondé par des intellectuels comme lui, pour adoucir la rigueur de leur captivité et de celle de leurs camarades.





Quand, en 1919, à l'occasion d'un échange de prisonniers Français-Allemands, Jean Barral revient a Nice, il rapporte de son long séjour de quinze années passées en Allemagne, au contact de savants éminents, un bagage impressionnant de connaissances variées. Il a en outre cet avantage de parler et écrire une langue allemande très pure. Il connaît l'italien. Il est entré en relation et il restera par la suite, avec des économistes américains. Une culture aussi variée joint à sa connaissance des langues, le désignait naturellement à jouer le rôle de conseiller d'hommes politiques, sinon de chef, au cours des discussions interminables qui s'engagèrent à la suite de la conclusion du Traité de Versailles.

 

Barral en avait entrevu, à la première lecture, les erreurs, les injustices, les raisons d'ordre économique qui en rendaient l'inexécution fatale, aussi bien que l'absence des sens politique qui avait présidé à son élaboration.

 

Pour reprendre l'expression imagée de Jacques Bainville, les chirurgiens de Versailles avaient recousu le ventre de l'Europe, mais ils avaient oublié d'en vider l'abcès. Ils ignoraient ce que Fontenelle avait prédit en son temps et ce que l'œuvre de Barral réalisera: « Le monde politique aussi bien que le physique se règle par nombre, poids et mesure. »

 

Au moment de l'occupation de la Ruhr, quand des délégations de la Rhénanie occupée, autorisées, présentèrent, par l'intermédiaire du Général Degoutte, un projet de paiement de 132 milliards, Jean Barral fut désigné par elles pour interpréter ce Mémorandum auprès de M. Raymond Poincaré.

 

Celui-ci éluda l'arrangement soumis à son examen. Il lui préféra le fameux plan Dawes dont l'exécution s'avéra impraticable. Le plan Young lui succéda. L'un et l'autre furent lancés, on le sait, à grand renfort de publicité ; ils n'ont apporté que de nouvelles déceptions à la petite épargne du monde, à la nôtre spécialement.

 

Mais en ce temps-là, une presse savamment orchestrée et dont le seul mot d'ordre semblait être de rendre toute conciliation avec l'Allemagne impossible, pour le plus grand profit de l'Angleterre, répétait à tous les échos : « L'Allemagne paiera. »

 

En 1924, Jean Barral était reçu à son domicile privé par M. Raymond Poincaré. Il osa lui demander comment il avait ainsi trompé l'opinion publique, en déclarant du haut de la tribune française que l'Allemagne avait refusé de payer, alors qu'il savait le contraire. Le Président lui répondit qu'il n'avait jamais eu connaissance des propositions contenues dans ce Mémorandum, et que si ce Mémorandum avait existé, il avait été sans doute intercepté par l'entourage du Général Degoutte. M. Raymond Poincaré mentait, dit Jean Barral, il mentait sciemment.

 

Quelques années plus tôt, Barral s'était signalé à l'attention de ses compatriotes en présentant à la Chambre de Commerce de Nice, un exposé de ses conceptions monétaires qui parut in extenso dans 1'ECLAIREUR DE NICE. Cette conférence fut adressée, par les soins de la Chambre de Commerce de Nice, à toutes les Chambres de Commerce de France, puis traduite en plusieurs langues, en allemand notamment par Roman Gesell, frère de ce Sylvio Gesell, véritable inventeur de la monnaie à circulation forcée (ne pas confondre avec cours forcé) et baptisée monnaie franche.

 

Il s'efforça à reconstituer l'UNION MONÉTAIRE LATINE. Dans son journal de mars-avril 1921, il expose ses vues sous ce titre expressif: « Vers l'Union Monétaire Européenne » Il s'adresse nommément à M. Robineau, Directeur de la Banque de France. Il se prévaut de l'adhésion de Sir Josias Stamp, directeur de la Banque d'Angleterre à ses conceptions. A la conférence internationale de Londre, il a présenté un Mémorandum remarqué qui traite de ce même problème de la monnaie. La délégation américaine du Président Roosevelt s'y rallie. Il croit avoir touché le but.

 

Subitement, par ordre venu on ne sait d'où, la dalle du silence, un moment soulevée, retombe sur Barral. Les Dieux ont entendu le danger. (NDLR : Dieu de la bushanusienne, Dieu de la pastèque Ariel Sharon, Dieu protestant de Tony Blaireau ou au nouveau Dieu Poutine la fouine, ancien dirigeant du « Kell Garanti Bouche de l’Humanité (KGBH) »

 

 Leur ennemi est pauvre et il est interdit aux pauvres sous peine de mourir de faim, d'avoir raison, de s'insurger contre le dieu-or. Mais Barral possède la foi du mystique. Aucune volonté, si puissante soit-elle ne sera capable d'entraver son action et de s'opposer à sa mission. On dira de lui qu'il est un illuminé dont la pensée ne mérite pas la moindre considération. En effet, il l'est, mais une intelligence, armée de savoir, guide et éclaire cet illuminé.

 

Le 26 juin 1939, il écrivait à un ami: « Vous verrez par les découpures d'ACTION FRANÇAISE des 22 et 25 juin, jointes à cette lettre, que le haut problème international allait surgir en Syrie et poser le problème même de la France. »

 

Quelques jours plus tard, le 17 juillet 1940, il écrivait à nouveau après avoir blâmé, comme il convenait, la dissidence du chef factieux l'ex-Général de Gaulle qui risque de nous conduire à la guerre civile: « J'ai exposé à Mgr R...que l'heure de la mission française sonne au cadran de notre histoire. Nous éviterions l'anéantissement final, si seulement vous savons maintenant nous faire les intermédiaires de la Paix entre les Peuples, et si une intervention de notre pays arrive à réconcilier les Anglais avec l'Europe Nouvelle. Dans mon journal de 1938, sous l'exposé de la France Nouvelle, j'y indiquais comment l'Allemagne hitlérienne envisageait de créer l'Europe fédérale nouvelle, serait-ce par la violence, et je disais nettement que c'était la mission d'une France, entrant à son tour dans la rénovation, qui devait prendre l’initiative de l'Europe Nouvelle.

 

On ne l'a pas fait. L'Allemagne, aujourd'hui l'exige par la guerre... »

 

Barral n'est pas seulement un « voyant ». Il a été un précurseur et un pionnier. Son socialisme ne procède pas d'une phraséologie oratoire. Il cherche à être constructif et il l'est. Il démontre le mouvement en marchant.

 

Sa création de la « Mutuelle Nationale d'Échange » est une application logique du rôle prépondérant qu'il assigne à la monnaie. Son œuvre de I'« Apanage des Mères » repose tout entière sur la place primordiale qu'il accorde à la famille et, il en rend la réalisation possible, de même que la retraite des vieux travailleurs, par son organisation monétaire.

 

Barral et né paysan. Cet intellectuel obligé de vivre sur sa motte pour manger, cultive à Berre-les-Alpes, son champs, ses mimosas, ses arbres fruitiers, sa vigne. Il fait de sa terre un « bien insaisissable, » il fonde une Coopérative agricole. Il veut que le paysan fonde une Coopérative agricole. Il veut que le paysan soit honoré dans la nation, et que la terre française soit un jour libérée du joug que la rente foncière, cette autre forme de l'usure, fait peser sur le travail de celui qui la féconde de ses sueurs. Il est en ceci, d'accord avec son maître le révolutionnaire Proudhon, avec l'École Catholique, avec le Pape des Grandes Encycliques sur la Condition des Ouvriers et la Glorification du Travail. On dirait que, par avance, il a préparé le programme social et économique de notre illustre Maréchal. Son âme, comme son style, exhale le plus pur parfum de l'humanisme et de l'Évangile chrétien. S'il n'avait dépendu que de lui, son programme serait en voie de réalisation depuis 25 ans, et c'est dans la Paix que la France aurait collaboré, sur un pied d'égalité, avec notre puissante voisine et les autres peuples du continent.

 

Quand sa Mutuelle Nationale vit le jour, un moment il caressa l'espoir d'avoir obtenu une réalisation d'importance. En effet, le Gouvernement de Monaco, à la suite d'une année d'études, avait autorisé la mise en circulation, dans la Principauté, des Bons d'échange de la Banque d'Échange locale de Nice. Ce n'était qu'une illusion. Les dieux s'émurent à nouveau. Il fallait, de toute nécessité, que les projets de Jean. Barrai qui porteraient infailliblement le coup fatal à la spéculation et rendraient au Travail sa dignité, n'aboutissent pas. Quel téméraire ! Barral ose se dresser alors contre la Banque de France. Dans son Économie franchiste il signe de son nom, une longue étude, sous ce titre hardi « J'affirme  que seule la Banque de France est juridiquement responsable de la crise économique de la France. »

 

A peu près vers le même temps, il publie son savant petit volume « La Révolution Économique », exposé technique de notre redressement monétaire. Son ouvrage n'aura aucune diffusion. Il n'intéresse pas la presse. Il ira donc rejoindre,  dans les cimetières du quai de Javel, propriété de la toute puissante maison Hachette, les publications qui risquent de supplanter le gouvernement de la finance juive. Son nom ne sera connu que de quelques indépendants comme lui, en France, aux États-Unis, en Allemagne, en Autriche, on Suisse, en Italie. Car indépendant, Barral l'est, de tempérament, d'esprit, de volonté, de conscience. S'il est pauvre, il est propre ; aucune offre de quelque nature qu'elle fût, n'arriverait à le séduire. Comme il ne joue pas la règle du jeu, comme il est inaccessible à l'argent et aux honneurs, comme il ne recherche que la vérité, la justice, le bien de tous, cet homme devient un gêneur dangereux. Il faut absolument que ses idées et ses initiatives demeurent ignorées.

 

La presse locale, la presse parisienne ont étendu sur lui l'ombre étouffante du silence. Il ne reste plus que quelques amis et disciples fidèles à lui continuer leur confiance.

 

Dès 1922, Barral avait fondé, à la suite de sa conférence à la Chambre de Commerce de Nice dont nous avons parlé, l'Université Internationale des Sciences Sociales. C'était une conception hardie. Dans sa pensée, cet institut devait être, non une chaire pour conférenciers avides de notoriété, mais un véritable foyer de culture qui aurait joué, dans notre monde moderne, un rôle égal au rôle de la célèbre antique École d'Alexandrie, présentant un mode actuel d'interprétation de la vie sociale universelle, de la révolution économique et de l'immense révolution interreligieuse. Poussant plus loin encore la hardiesse de son entreprise Barral voulait que ces interprétations ordonnées d'après des vérifications impartiales et scientifiques, fussent propagées à travers les peuples civilisés, dans un idiome neutre, susceptible d'être compris partout, sans le truchement d'autres langues.

 

Maintenant que les armées allemandes foulent plus de la moitié du sol français, et que se sont réalisées, hélas, ses sombres prophéties, l'heure de Barral a-t-elle enfin sonné ? On l'espère. En tout cas, Barral ne peut plus être ignoré.

 

L'ouvrage que nous présentons ici – le lecteur voudra bien le retenir- a été écrit en 1939. Son auteur, nous pouvons en témoigner, en a tracé les dernières lignes le jour de la Fête de Jeanne d'Arc, sa sainte privilégiée. Il est heureux, en un sens, que les menaces de guerre qui se faisaient alors, de mois en mois, plus pressantes, en aient retardé la publication. La censure de M. Paul Reynaud l'aurait arrêtée impitoyablement. Ce livre est, en effet, la condamnation formelle des idées et des hommes qui conduisaient notre malheureux pays à la plus cuisante des défaites.

 

Rappelons aussi à ceux qui l'auraient oublié qu'il existait une Loi Marchandeau interdisant de parler des juifs.

 

La paix n'étant pas signée, l'auteur a dû demander l'autorisation de la censure allemande. Les suppressions qu'elle a fait subir au texte sont de peu d'importance. Elles n'ont altéré d'aucune manière la pensée de Barral. Nous en sommes d'autant plus heureux que cette œuvre servira puissamment au rapprochement, dans la Paix, de deux peuples qui ont appris à s'estimer dans la guerre ; elle contribuera encore à l'avènement d'une longue ère de justice sociale et de prospérité économique, dans une Europe unie par les mêmes besoins, affranchie pour toujours, espérons-le du joug de la tyrannie de l'or a fait peser trop longtemps sur le Travail.

 

L'Éditeur

La mission de la France, 1941

Jean Barral, Éditions Denoël

19, rue Amélie, Paris 19e

 

 

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